Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La cigogne transatlantique
La cigogne transatlantique
Publicité
La cigogne transatlantique
Newsletter
Archives
8 mai 2016

Emilie en bas des chutes

Je vous l’avais promis, la prochaine fois que j’allais aux chutes de Montmorency, je devais vous ramener des photos du bas des chutes. C’est chose faite aujourd’hui ! Mais pendant que je descends les 487 marches qui me mènent vers le bas, il faut que je vous raconte la légende de la dame blanche, répondant soit au nom de Mathilde, soit au nom d’Emilie. Je n’ai rien contre les deux prénoms mais je vous raconte l’histoire d’Emilie. Mais pour cela, il faut que vous ayez en mémoire qu’à une certaine époque de la Nouvelle-France, "les Français et les Anglais étaient en guerre. Ces derniers tentaient par tous les moyens de prendre possession de ce vaste territoire habité ici et là par quelques peuples autochtones. En remontant le fleuve avec difficulté à bord de leurs frégates à voiles, les Anglais devaient inéluctablement affronter les soldats de Québec, une ville imprenable, entourée de falaise de falaises bien fortifiées. Québec, la porte de l’Amérique, était une place forte.

2016-05-05 Quebec (16)

Rodolphe Malaubras et Emilie Glaieule s’aimaient à la folie. Lui était un lieutenant qui, en ses temps libres, labourait une terre que lui avait donnée le gouverneur. Elle était orpheline et avait été trouvée, enveloppée dans un linge, sur le parvis de l’église alors qu’elle n’était qu’un poupon. Des rumeurs avaient couru voulant qu’elle soit la fille illégitime du curé, mais rien n’avait été prouvé. Un jour, les « méchants » Anglais apparurent sur le fleuve. On sonna le branle-bas de combat et tous les miliciens, soldats et jeunes hommes valident se réunirent sur les berges du Saint-Laurent pour affronter l’ennemi. Les canons des navires anglais semèrent la destruction et dévastèrent des fermes et des maisons, mais les Français gagnèrent la victoire au terme de trois jours de combats acharnés. Lors des combats, Emilie s’était dévouée corps et âme pour soigner les nombreux blessés qui étaient transportés à l’hospice de Québec. Certains avaient une jambe ou un bras arraché par un boulet rougi, d’autres avaient des entailles de baïonnettes et d’autres encore hurlaient de douleur, brûlés vifs par les incendies qui rageaient dans la ville et les villages avoisinants.

2016-05-05 Quebec (21)

Le calme revenu, Emilie accourur vers le champ de bataille à la recherche de son amant. Au bord de la rivière Montmorency, des centaines de cadavres gisaient, ballotés par la vague. Elle examina chacun des morts. Son bien-aimé, qui n’avait donné aucun signe de vie, ne faisait pas partie du lot. Elle poussa un soupir de soulagement. Elle courut sur les rochers, parmi les ronces qui déchiraient son manteau et son jupon. Elle demandait à tous qu’ils avaient vu son Rodolphe. Mais tous secouaient négativement la tête en baissant les yeux. Emilie, haletante, continua son chemin. Elle troua une troupe réduite qui festoyait autour d’un feu. Mais là non plus, on ne savait pas où était le beau lieutenant. Elle repartit, escaladant les rochers, le cœur serré. Elle se précipita ensuite sur le sentier qui menait aux habitations. Et cette fois encore, elle ne trouva personne. Les Anglais avaient incendié les fermes et les granges qui brûlaient sans témoins ni sauveteurs. Elle courut à perdre haleine vers sa maison qui était restée intacte. Elle poussa la porte et appela mais personne ne répondit. Elle ouvrit l’armoire qui contenait sa robe blanche, qu’elle réservait pour son mariage avec Rodolphe. Elle enfila la robe comme pour conjurer le sort. Puis elle s’enfonça dans la forêt, le seul endroit où pouvait se trouver son amour. Pendant de longues heures, elle marcha, fouilla chaque buisson, s’écorchant les bras et le visage aux branches. Elle poursuivit sa quête trébuchant parfois sur les corps des soldats anglais en vain. Elle se rendit alors en un lieu en amont de grandes chutes, là où elle et Rodolphe avaient l’habitude de se rencontrer, là où ils s’étaient caressés à satiété, à l’écart des regards indiscrets. A son arrivée, elle vit des gens rassemblés. Pleine d’espoir, elle se dirigea vers le petit groupe. Plus elle avançait, mieux elle distinguait la scène. Une douzaine de personnes formaient un cercle autour d’un corps gisant sur le sable. Alors le cercle s’ouvrit et laissa le passage à Emilie, la femme Glaieule, celle qui portait une robe blanche. Rodolphe était mort. Un boulet lui avait arraché une partie du visage. Elle arrivait trop tard. Elle se jeta sur lui en hurlant de douleur. Les miliciens la laissèrent seule afin qu’elle puisse pleurer toute sa peine.

2016-05-05 Quebec (11)

Emilie sécha ses larmes. Son cœur se durcit. Aux premières lueurs de l’aube, elle se dirigea lentement vers le promontoire surplombant les chutes tandis qu’au loin, sur le fleuve, s’en allaient les navires anglais chargés de blessés et de morts. Du haut du promontoire, elle clama de toutes ses forces : « Par la force du diable, je vengerai ! » Puis elle sauta dans le vide, sa robe blanche frémissant dans le vent mortel. Elle disparut dans l’écume des chutes et son corps ne fut jamais retrouvé.

2016-05-05 Quebec (20)

Un siècle plus tard, une Anglaise et son jeune fils embarquèrent un soir sur une modeste barque. La femme et son fils appartenaient à une famille bourgeoise qui s’était installée à Québec après la conquête du pays par les habits rouges. Ils devaient se rendre sur l’île d’Orléans o se donnait un fête d’aristocrates. Ils faisaient route depuis quelques heures lors que je fils se réveilla en sursaut et dit à sa mère qu’il avait aperçu une femme drapée de blanc, marchant sur les eaux. Elle lui répondit que la lumière de la lune créait des images et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Peu avant l’heure, le passeur, qui ne parlait pas anglais, décida de s’arrêter pour s’approvisionner avant la traversée pour l’île d’Orléans. Il n’en avait que pour dix minutes et laissa la femme et son fils dans la barque. A son retour sur la rive, une scène d’horreur l’attendait. La mère était pendue à un arbre et elle n’avait plus de visage. Sa face était une gigantesque plaie d’où dégoulinaient du sang et des morceaux de cerveau. Le fils agonisait sur le sable, sans montrer de blessure évidente. Quand le passeur s’agenouilla près de lui, l’enfant murmura : « The whitelady… » Puis il rendit son dernier souffle. On interrogea longuement le passeur mais on ne put le condamner, faute de preuves et de motifs ; D’ailleurs, le passeur était très vieux, et reconnu comme un chrétien convaincu. Il n’aurait pas fait de mal à une mouche.

2016-05-05 Quebec (26)

C’est depuis ce temps que, sur les rives du fleuve, on parle de la dame blanche, la femme en blanc, la femme Glaoeule ou la dame aux glaïeuls, dont la vengeance ne cesse de frapper les Anglais malchanceux qui se risquent sur les eaux du Saint-Laurent, aux abords de Québec."

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité