Les damnés du grand puits de Carcassonne

Il y a fort longtemps, sept archers de la Cité se promenaient dans les ruelles. Peut-être avaient-ils trop festoyé, mais cela n’excusait en rien leurs propos irrespectueux. L’un médisait sur les apôtres tandis que l’autre se moquait de l’évêque de la ville. Tous riaient de bon cœur se laissant aller jusqu’à s’esclaffer des soi-disant pouvoir du Diable. Quelques jours plus tard, nous retrouvons les sept compères qui marchaient dans la Cité, avec plus de tranquillité cette fois. Au détour d’un chemin, ils tombèrent sur un âne richement paré qui broutait paisiblement l’herbe sur le bord de la route. L’occasion était trop belle pour une partie de rire. Un des archers monta sur le dos de l’animal qui resta impassible. Le deuxième, qui n’était pas plus éclairé que son camarade, le rejoignit sur le dos de l’animal. Le troisième arriva à son tour, puis le quatrième et le cinquième. Alors que le sixième prenait place, le septième se rendit compte que le dos de l’âne s’allongeait et pourtant, il y grimpa dessus dans se poser de question. Lorsque la bête démarra en trombe avec les sept archers sur le dos, la riche housse qui ornait le dos de l’animal se referma sur les bougres. La bête continua sa course effrénée vers la place du Grand Puits. Sans s’arrêter, l’âne, qui n’était autre que le Diable, sauta avec son chargement dans le puits. Il emporta dans le gouffre les sept archers pour ne plus jamais reparaître….

Quelques années après cet incident, on raconte qu’un curé peu scrupuleux avait reçu de l’argent afin de célébrer une messe à leur mort. Il empocha l’argent mais pour ce qui est de faire la messe… De toute façon, qui le saurait ? Malheureusement pour lui, et il aurait dû le savoir plus que tout autre, il y a un être qui est omniscient, et bien entendu, à Dieu, il ne pouvait rien cacher. En punition, la force divine précipita le Curé dans les tréfonds du puits, antre du démon. Depuis certaines nuits et plus particulièrement celles de Noël, on raconte que le curé maudit essaie de sortir du puits, mais ses efforts désespérés sont vains. Seuls ses cris émanent du fond du Grand Puits et parviennent à nos oreilles.

Le Grand puits de Carcassonne est le plus vieux des vingt-deux puits de la Cité. 2,57m de diamètre et 30m de profondeur. Aujourd’hui, son entrée est bouchée et est surmontée d’un grillage. On dit que c’est par mesure de sécurité mais les murs affirment que c’est pour éviter de faire remonter de vieilles histoires à la surface... Faut dire que des histoires farfelus autour de ce puit, il y en a à la pelle. D’ailleurs, on raconte même qu’une partie du trésor d’Alaric y aurait été jetée… La croyance était si persistante que le puits fut fouillé en 1808 et en 1832 par la municipalité, ainsi que par les nazis en 1932. On ne retrouva ni le trésor d’Alaric, ni souterrains, mais quelques pièces accompagnées d’objets sans valeur. Quant aux curés et aux sept archers, qui sait ?