L’ambre canadien
Les températures s’adoucissent… La nature reprend vie. Les oisillons gazouillent et la sève des arbres reprend son cours. Et qui fait le lien entre Canada, érables et sève, pense sirop d’érable ! Eh oui ! C’est la saison ! Il est vrai que le sirop d’érable est un produit propre à l’Amérique du Nord et, plus particulièrement, au Québec mais on en trouve aussi en Ontario et dans les provinces maritimes du Canada. Des festivals ont lieu un peu partout dans les campagnes canadiennes, les vieilles fermes et j’en passe. Nous, on est allé au parc provincial de Bronte Creek à une heure de Toronto. L’ambre canadien est vraiment à l’honneur partout.
Mais qui a bien eu l’idée de goûter la sève de l’érable ? Selon les rapports des premiers européens arrivés en Amérique du Nord, la technique de fabrication du sirop d’érable était déjà maîtrisée par les populations indigènes du Canada. Du coup rapprochons nous un peu des tribus amérindiennes de l’est du Canada et du nord-est des Etats-Unis. Certains racontent que les chiens des Amérindiens se seraient bousculer autour d’une branche cassée pour lécher la sève, et c’est ainsi que les Amérindiens auraient eu l’idée d’y goûter. Pour d’autres, ce serait un petit écureuil qui grimpa le long d’un tronc d’arbre, mordit une branche et se mit à boire… Un Amérindien qui se trouvait en bas de l’arbre chercha à comprendre pourquoi, puisqu’une source d’eau fraîche coulait tout près. Il imita donc l’écureuil et tadam ! Non seulement il venait de trouver un arbre qui pleure du sucre mais en plus il venait de découvrir un remède contre le scorbut dont les siens souffraient souvent au printemps.
Toujours est-il que chaque tribu amérindienne a son explication. Le peuple Algonquin raconte que le chef prit son tomahawk de l’érable dans lequel il l’avait enfoncé la veille. Comme le soleil montait dans le ciel, la sève se mit à couler. Sa femme la goûta et la trouva bonne. Elle s’en servit pour cuire la viande, ce qui lui évita d’aller à la source chercher de l’eau (particularité typique des femmes : sers toi de ta tête en premier !). Le chef adora le goût sucré. Pour les Iroquois, l’histoire n’est pas si différente… Mais il existe aussi la légende de Nokomis (La Terre) qui aurait été la première à percer des trous dans le tronc des érables et à en recueillir la sève. Son petit-fils, Manabush, constatant que la sève était un sirop prêt à manger, dit à sa grand-mère : « Grand-mère, il n'est pas bon que les arbres produisent du sucre aussi facilement. Si les hommes peuvent ainsi sans effort recueillir du sucre, ils ne tarderont pas à devenir paresseux. Il faut tâcher de les faire travailler. Avant qu'ils puissent déguster ce sirop exquis, il serait bon que les hommes soient obligés de fendre du bois, et de passer des nuits à surveiller la cuisson du sirop. » Craignant que Nokomis ne l'écoute pas, Manabush grimpa au haut d'un érable avec un vaisseau rempli d'eau et versa le contenu à l'intérieur de l'arbre. Le sucre se dissout et l'on dut travailler dur désormais pour se procurer du sirop. Et puis il y a aussi la légende du dieu Nanabozho selon laquelle, il y a bien longtemps, du sirop pur, comme celui dont on arrose ses crêpes, coulait des érables. Lorsque le dieu Nanabozho y goûta, il le trouva tellement bon qu'il se dit que les habitants de la Terre n'apprécieraient pas ce sirop s'ils pouvaient se le procurer aussi facilement. Nanabozho ajouta donc de l'eau à l'épais sirop fourni par l'arbre, tellement d'eau que le liquide finit par ressembler à de l'eau sucrée. Il dissimula ensuite cette sève au plus profond de l'arbre. Depuis ce temps-là, les hommes doivent travailler fort pour obtenir du sirop d'érable.
Alors que faire pour obtenir du sirop d’érable ? Tout au long du processus vous aurez besoin d’un outil indispensable : votre patience. Ne la perdez pas. Sans elle, pas de sirop ! Ensuite, rendez-vous au Québec (74% de la production mondiale et plus de 90% de la production canadienne). Attendez le « temps des sucres » (comprenez la saison des sucres en non québécois) c’est-à-dire le début du printemps, lorsque les nuits de gel sont suivies par des jours de dégel. Choisissez un érable noir, ou un érable à sucre, ou encore un érable rouge (et Le Guide des érables, si vous ne savez pas les reconnaitre). Attention, on ne récolte jamais l’eau d’un érable (ou sève brute) dont le tronc fait moins de 30cm. La règle générale est qu’on attend jusqu’à 45 ans après la plantation d’un érable avant d’en récolter son eau ! Faites un trou dans le tronc, mettez un « petit robinet », accrochez un seau à votre robinet et… Attendez ! Attendez… Attendez encore un peu… Mais pas trop ! Si votre liquide a un goût amer, c’est que la saison est passée et que vous êtes en train de récolter la vraie sève de l’arbre ! Arrêtez, vous allez vous rendre malade ! Maintenant que vous êtes tout content avec votre petit seau de sève brute, on passe à la deuxième étape : l’évaporation. Pour information, il vous faudra quand même 35 et 40 litres d’eau d’érable pour obtenir un litre de sirop… Je ne veux pas vous démoraliser mais vous aurez l’air d’un petit rigolo avec votre seau ! Bref, l’évaporation… Patience ! Le sirop sera prêt lorsqu’il atteindra 103.5°c. Mais attention à la densité. C’est 66 degrés Brix au minimum (moi non plus je ne sais pas ce que c’est mais j’achète le sirop déjà tout fait alors je m’en fous un peu !). Si le sirop est trop dense, il cristallisera. S’il est trop liquide, il risque de fermenter. Patience mes amis, patience… Etape numéro 3 : choisissez votre niveau de sucre : plus le sirop est claire, meilleure est la classe… mais moins le goût est prononcé. Perso, je préfère quand il est foncé ! Du sirop d’érable sans sentir le gout du sucre… Bonjour le goût des pancakes au bacon… C’est quand même meilleur quand le sirop est ambré.
Maintenant que vous connaissez quelques-uns des secrets du sirop d’érable, sachez que si de nos jours on l’utilise très facilement pour un peu tout, ça n’a pas toujours été le cas. Les Amérindiens l’utilisaient surtout pour ses apports nutritionnels. Et c’est ce qu’on fait les premiers européens… Le sucre de canne étant très cher à l’époque, le sirop d’érable était utilisé comme substitut… Mais attention, pas d’abus. Pour ceux qui me connaissent, une famille avait en un mois ce que je prends, seule, en moins d’une semaine ! C’est sur ce point de comparaison que je vous laisse visionner une vidéo faite par quelqu’un qui a passé la même journée que moi !
Bronte Creek Provincial Park Annual Maple Syrup Festival.wmv