Ostie d’tabernak j’comprends rien
Déjà une semaine et demie passée à Québec et le plus dur, je l’avoue, c’est de comprendre ce qui se passe autour de soi. On a beau parlé la même langue au Québec et en France, j’ai vraiment du mal à déchiffrer tout ce qu’on me dit. Déjà, il y a l’accent… On a tous entendu l’accent québécois… mais bien souvent parlé en France… encore plus souvent chez Michel Drucker ou Jean-Pierre Foucault... Je vous assure que le québécois parlé en France et le québécois parlé à Québec, c’est pas du tout la même chose. Chez eux, ils se lâchent. Youhou, c’est la fête au québécois ! Pas évident à comprendre quand ça va trop vite mais on s’habitue plus ou moins assez rapidement aux différents sons.
Ensuite, il y a les expressions typiquement québécoises du genre « mon manteau va prendre la barre »… Aye ! Aye ! Captain ! Mes chaussettes laveront le pont ! Je suis déjà tombée sur plusieurs expressions de la sorte. Malheureusement pour vous (et pour moi aussi qui risque de retomber dessus à un moment donné ou à un autre), je ne les ai pas toutes retenues.
Le plus difficile c’est de redéfinir les mots. Des fois, il m’arrive de comprendre l’accent, de comprendre les mots mais je ne comprends pas du tout le sens… Je vous passe les « c’t’écœurant » et les histoires de « chars » que je maîtrise parfaitement maintenant pour vous parler de deux situations qui me viennent à l’esprit. La première est très courante. C’est le cas du « en tous cas ». Il est servi à toutes les sauces à la fin de trois phrases sur cinq. Pis des fois, il arrive sans prévenir. Petite mise en situation. Silence dans l’appartement. Votre amie qui se pointe devant vous, qui vous dit « en tous cas » et qui reste là sans rien dire… Au bout de deux longues secondes (qui vous paraissent une éternité) vous comprenez que c’est à vous de dire quelques chose mais vous n’arrivez pas embrayer… En tous cas… … … En tous cas… … … En tous cas… … … En tous cas, s’il pleut pas demain, il fera beau…. Perso, j’ai trouvé un truc ! Maintenant, quand elle me dit « en tout cas », je lui réponds l’équivalent anglais « anyway/whatever » (dépendant du contexte)… J’ai alors le droit à un joli « ça fait pô d’sens ce que tu dis lô »… Eventuellement, la prochaine fois j’essaierai un « your « en tous cas » doesn’t make sense to me either and I don’t complain »… En tous cas… Deuxième situation (qui m’est arrivée ce matin). Votre colloc’ se prépare à aller bosser et vous pose deux questions : « ta banque ête fait-tu une ristourne » et « tu vas-tu t’rendre ?»… Léger blanc d’incompréhension. « Tu m’diras ce soir ». La porte qui se ferme… Ça va faire un peu plus de douze heures que les questions m’ont été posées et je travaille toujours sur les réponses que je vais bien pouvoir donner ! Faut dire que c’est pas trop le genre de ma banque de faire des ristournes… ristournes qui seraient basées sur quoi d’ailleurs..? Et me rendre… Si elle m’avait dit où, j’aurai pu répondre mais là, à bien y réfléchir, j’ai deux réponses possibles : 1. Pourquoi tu veux que je me rende ? J’ai rien fait d’mal ni d’illégal. 2. Par toutatis, je préfère mourir que de me rendre (mais là ça fait un peu trop gaulois… ou gaulliste… ça dépend du contexte).
Et pour finir, la « difficulté » que je préfère : les anglicismes ! Je n’ai pas encore rencontré un québécois qui vous avouera qu’il parle anglais quand il parle français mais ils le font tous ! C’est juste qu’ils ne veulent pas en prendre conscience (ou se l’avouer). Pour faire simple, là où les français utilisent des mots anglais, les québécois utilisent des mots français. Inversement (eh oui !), quand les français gardent un vocabulaire français, les québécois passent à l’anglais…. Et là difficulté se trouve là. Comprendre un mot anglais dans une phrase. Je gère. Sortir des mots anglais quand j’ai l’habitude d’utiliser des mots français, c’est moins facile… Et parfois, on en arrive à des situations assez absurdes. Le meilleur exemple que j’ai à vous donner date d’hier après-midi. -15°c, ressenti -23°c… Une petite sortie au centre commercial s’impose (entre ça et rester en plein courant d’air dehors, le choix est vite fait). Nouvelle petite mise en situation : votre amie décide de s’acheter une glace… Elle vous en propose une… Vue la température extérieure vous optez pour un bon chocolat chaud bien chaud. Mais la personne qui vous accompagne tient à sa glace. Vous vous rendez chez le marchand de glaces où votre amie commande « une banane royale »… Vous avez un petit sourire de coin et elle vous demande pourquoi. Sans trop vous moquez de leur espèce de francissisme abusé, vous lui dites qu’en France, une banane royale, c’est un banana split. Et la remarque tombe : « c’est pass’ que vous z’ôtes en France vous parlez trop anglais ». Vous réfléchissez quelques temps et trouvez qu’effectivement beaucoup de mots français sont d’origine anglaise… Mais la vendeuse qui vous voit à deux devant son comptoir et qui n’a reçu qu’une commande vous tire de vos pensées en vous demandant « t’veux-tu qu’je split la facture ? »… ??? ?!?! !!! ... Nan, nan, juste la banana ..!
Enfin (« en tous cas » pour certains), j’aurais presqu’envie de leur demander de parler anglais à certain moment pour être sûre d’avoir tout compris… Mais pour éviter l’incident diplomatique, je préfère m’assoir au bord du St-Laurent et essayer de remettre de l’ordre dans ce nouveau-vieux français décalé. « Ca fait pas d’sens » dans ce message mais je ne savais pas quoi mettre comme image pour vous parler de mes quelques difficultés linguistiques (les premières depuis que j’ai posé le pied au Canada… et je suis quand même allée à Terre-Neuve !) et je ne savais pas quoi vous dire avec mes énièmes couchés de soleil ! Du coup, j’ai fait une pierre deux coups et j’ai essayé d’écrire un dernier paragraphe pour essayer de lier le tout. Echec partiel. En tous cas..!