L’histoire est déjà bien connue mais une piqûre de rappel ne fait jamais de mal à personne. Oradour-sur-Glane est le nom d’une petite ville située près de Limoges et où une unité de Waffen SS massacra, le 10 juin 1944, 642 hommes, femmes et enfants. Je passe rapidement sur les évènements pour ne pas plomber l’ambiance de la journée, mais sachez qu’à partir de 1939, Oradour-sur-Glane, comme un certain nombre d’autres villes, accueille des réfugiés (des Espagnols républicains chassés par le franquisme, des évacués d’Alsace, des expulsés francophones venant de Moselle, des Juifs…). Après le déparquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, les résistants « reprennent du poil de la bête » et les actions se multiplient un peu partout en France. Le 8 juin, la division Waffen-SS, Das Reich, reçoit l’ordre de se positionner dans la région de Tulle et de Limoges afin de ratisser la résistance. Le 9 juin, la formation Waffen-SS atteint Limoges. Partout il y a des massacres, des pillages, des incendies… La résistance ne faiblit pas pour autant. Le général SS Lammerding envisage alors une « action exemplaire ». Un des bataillons se trouvent à l’ouest de Limoges. Il tente de rejoindre la ville. La division Das Reich arrive devant le bourg qu’elle encercle. Elle rassemble la population, sépare les hommes, des femmes et des enfants. Elle tue au hasard des rues et des maisons pour qu’il n’y ait pas de témoin. Elle pille puis incendie. Les hommes sont exécutés. La troupe massacre femmes et enfants dans l’église qu’elle tente de détruire avec des explosifs. Les cadavres sont systématiquement éliminés par le feu et la fosse commune pour empêcher leur identification. En novembre 1944, le Gouvernement provisoire prend la décision de classer et de conserver les ruines, ce qui attire la reconnaissance nationale sur Oradour. Et voilà comment est érigée une ville martyre symbole d’une France blessée par l’occupation allemande.
Maintenant, je justifie le titre de mon message : « martyrs politisés » parce que si vous prenez le temps de vous intéresser à la Seconde Guerre mondiale, vous y apprendrez un tas de choses très intéressantes. Mais ce qui est encore plus intéressants c’est la façon dont les politiciens ont essayé de reconstruire un pays dévasté et divisé par la guerre. Par exemple, saviez-vous que le Gouvernement provisoire s’est retrouvé « jury » pour trouver « le village martyr français » ? On aurait pu se croire en plein milieu d’une émission de télé-réalité de mauvais gout. Et pourtant… Plusieurs centaines de dossiers de candidature ont été déposées par des villes qui avaient subi de lourds préjudices humains. Sur ces centaines de dossiers, cinq villes ont été reconnues… Mais cinq villes éparpillées dans les quatre coins de France et de Navarre. Bonjour l’unité du pays ! Alors un tri a été fait. Je ne rentre pas dans les détails mais voilà les raisons pour lesquelles Oradour a été choisie, ou pourquoi les autres villes ont été évincées :
* La ville n°1 (excusez-moi mais le nom me fait défaut) se trouvait en zone libre… Sérieux les gars ? Une ville martyre en zone libre ?! Et on fait quoi des villes massacrées dans la zone occupée ? On met les allemands dehors et on choisit une ville qui ne se trouvait même pas, officiellement, sous leur joug pour dénoncer la violence allemande… Faut pas déconner… Ceux-là, pas besoin de réfléchir bien longtemps, ne sont pas martyrs.
** La ville n°2 (là aussi, je ne me souviens plus du nom) était en Alsace. Là du coup, question unification, on était en plein dedans ! Sauf que, l’Alsace c’est assez délicat et ce pour diverses raisons. Je ne rentre pas dans tous les éléments à prendre en compte dans le choix mais sachez qu’en Alsace se trouve le Struthof, officiellement connu comme étant le « seul camp de concentration allemand sur le territoire REDEVENU français »… Or dire qu’un village alsacien puisse être martyr français, c’est reconnaitre que l’Alsace était un territoire français. Et donc, vous suivez la logique, c’est affirmer que le camp de concentration se trouvait sur le territoire français RESTÉ français… Pas facile de redorer le blason français avec ça… Aux oubliettes le village alsacien
*** La ville n°3, c’est Villeneuve d’Ascq. Située juste à côté de Lille, elle est le fruit du regroupement de trois villes dont celle d’Ascq, tristement connue pour son massacre d’avril 1944. A l’origine des exécutions : le sabotage d’un convoi militaire. Mais pas n’importe quel convoi non plus. Il s’agissait du transport d’un bataillon blindé de reconnaissance d’une division SS qui partait en direction de la Normandie. Les conséquences du sabotage sont minimes : quelques voitures sortent des rails et la locomotive a quelques pièces secondaires détériorées. Aucun homme n’est blessé. Le train est remis sur les rails dans la nuit. Sauf que, c’est le troisième sabotage de la semaine… De quoi énerver les SS. Et pourtant, ils restent calmes… Enfin… Y’a toujours un élément perturbateur. Et là, c’est un SS qui se met à tirer dans tous les sens. Il siffle, il hurle des ordres. Tous les hommes de 17 à 50 ans sont conduits sur les lieux du sabotage. Les fuyards sont tirés comme des lapins. Les allemands souhaitaient que quelqu’un se dénonce… ou dénonce quelqu’un. Il fallait un exemple. Le silence fut roi… jusqu’aux premières fusillades. La Wehrmacht et les Kommandos sur place n’ont pas autorité pour intervenir. Pour autant, face à la situation, les hautes autorités allemandes stationnées à Lille et Roubaix décident de bouger. La police militaire allemande est envoyée à Ascq où elle met fin au massacre. En tout, quatre-vingt-six hommes auront été exécutés le long de la ligne de chemin de fer. Assez pour en faire un village martyr pour nos politiciens d’après-guerre ? Non ! Il ne s’agissait que d’une partie spécifique de la population : des hommes de 17 à 50 ans. Et parmi ceux-là, certains ont été épargnés. Les femmes et les enfants n’ont pas été touchés. Et puis, ça ne pouvait de toute façon pas être un village martyr… Après tout, sans sabotage, pas d’exécutions… On oublie Ascq.
**** La ville n°4 est Tulle. Chose, intéressante, Tulle ne se situe qu’à quelques kilomètres d’Oradour-sur-Glane. Pour les deux villes, retenez que la division blindée Das Reich, basée à Montauban, reçoit, le 7 juin 1944, soit le lendemain de débarquement de Normandie, l’ordre de se positionner dans la région de Tulle et Limoges pour réduire la Résistance qui se cache dans le maquis et qui a multiplié ses actions depuis l’annonce du débarquement. A Tulle, le 7 juin 1944, la résistance déclenche l’attaque. Le but : libérer Tulle et s’emparer des armes allemandes. Le Champ de Mars où sont cantonnées les forces de maintien de l’ordre est pris. La gare, la poste, la mairie aussi. Manque de bol n°1, les allemands en place hissent le drapeau blanc et s’en vont avec leurs armes… Manque de bol n°2, le 8 juin, les premiers chars de la division blindée Das Reich arrivent à Tulle. Les maquisards sont pris par surprise et repartent dans les hauteurs sans livrer de combats pour épargner la population civile... Les SS s’installent. C’est le retour des allemands à Tulle. Le préfet essaie de « sauver » les choses et prouve qu’il a sauvé la vie des soldats allemands en interdisant leur exécution par les maquisards. Mais bon, non seulement, il était face à des SS mais qui plus est face à la division Das Reich qui regroupe des hommes à 3000% supporters de l’idéologie nationale-socialiste, qui ont combattu sur le front de l’Est et qui se prennent pour une unité militaire d’élite. La répression est inévitable. Le commandant de la Das Reich décide tout de même de faire un geste. « Seuls » les hommes de 16 à 60 ans sont arrêtés. On épargne les enfants, les femmes et les vieillards. Au final, ce ne sont « que » 5 000 hommes qui sont regroupés devant la manufacture. Les SS continuent de « coopérer » et décident de libérer les personnes indispensables à la reprise d’une activité normale de la ville. 3500 hommes sont ainsi libérés. Evidemment, celui qui a le nez fin sent la collaboration… Des noms de maquisards sont évoqués… Il reste tout de même 1500 hommes aux mains des Allemands. Ce sont ces derniers, et eux seuls, qui effectueront le dernier tri. 120 hommes devaient être pendus et jetés dans le fleuve (une bagatelle pour la Das Reich qui avait pendu plus de 100 000 hommes en Russie). Il n’y en aura que 99. Pourquoi ? Le mystère demeure. Pour ce qui est des autres hommes, les chiffres se mélangent au fur et à mesure des transferts. Ce qui est certain, c’est que 149 prisonniers partiront vers Dachau et que 101 d’entre eux ne survivront pas. A Tulle, la répression continue sous forme de torture. Si on comptabilise les crimes de la Wermacht et de la Waffen-SS, on en arrive au total de 218 victimes civiles. Et pourtant, Tulle n’est pas ville martyre… Pas d’enfants, pas de femmes et pas de vieillards. … Et l’horrible effet boule de neige : pas de maquisards, pas de libération, pas de réoccupation, pas de pendaisons, pas de déportations… Triste vérité politique…
***** Et c’est là que la ville n°5 intervient : Oradour-sur-Glane ! Petit village paisible qui n’avait rien demandé à personne. Même pas d’action de résistance aux alentours du massacre… Et pourtant… Si je vous dis que la division qui a anéantit le village faisait partie de la Das Reich… Eh oui ! La répression d’Oradour était bel et bien liée à la rébellion de Tulle (et des autres actions alentours) sauf que dans les livres d’Histoire, on se garde bien de nous le dire. Le village martyr idéal. La barbarie nazie à l’état pur. Pas de revanche. Juste de la haine.