La Grande Charte est à Toronto pendant un mois ! 800 ans d’histoire qui s’invitent dans une des plus grandes villes modernes ! Je ne pouvais pas louper ça ! En plus, j’ai tellement écrit sur cette Charte pendant mes études (que ce soit en droit ou en anglais) que je ne pouvais pas ne pas aller la voir ! Que je vous explique un peu ce que c’est que cette charte. L’histoire de la Magna Carta commence au Moyen-Age par le couronnement d’un roi qui ne devait pas être roi. A l’origine, un comte d’Anjou, duc de Normandie et roi d’Angleterre, Henry II, et une duchesse d’Aquitaine et comtesse de Poitou, Aliénor d’Aquitaine. Nous sommes dans la seconde moitié du 12ème siècle. Je vous passe les histoires (pourtant très intéressantes) des complots contre le roi. Lorsqu’en Henry II décède, on cherche son successeur. Son premier enfant, Henry est mort. Son deuxième enfant est une fille. On laisse tomber. Son troisième enfant, se prénomme Richard. Il devient Richard Ier mieux connu sous le nom de Richard Cœur de Lion. Sauf que voilà, Richard, c’est un guerrier. Et au 12ème siècle, on est en pleine croisade. Le roi est souvent absent et à force de faire la guerre, on finit par mourir. C’est ce qui arrive à Richard Ier. Il lui faut un successeur mais le roi n’a pas d’enfants. On reprend la descendance d’Henry II. Son quatrième fils, Geoffroi est mort. Il reste le petit dernier, Jean. Et il ne lui faut pas longtemps pour s’emparer du pouvoir en écartant du trône son neveu (il le fait assassiner). Jean devient Jean II, duc de Normandie, comte d’Anjou et de Touraine (fiefs français des rois d’Angleterre) et, bien évidemment, roi d’Angleterre. Vous le connaissez peut être mieux sous le nom de Jean sans Terre qu’il a hérité du fait qu’il n’a reçu aucun fief en apanage à sa naissance.
Et là, je vais être très gentille et vous passer tous les détails fascinants de l’histoire du règne de Jean sans Terre. Retenez juste que le roi d’Angleterre va perdre la Normandie, l’Anjou, le Maine et la Touraine (tout ce que Guillaume le Conquérant avait amené à l’Angleterre, en fait). Le tout repassera dans le domaine du royaume de France. Ajoutez à cela que Jean II, en voulant imposer son candidat comme archevêque de Canterbury, se brouille avec le pape Innoncent III. Mais Sir Caprice s’en moque. Résultat des courses, il est excommunié et le pape autorise le roi de France à conquérir l’Angleterre. Sir Caprice est aussi peureux. Les français, il les craint (normal, non ?!). Du coup, il se réconcilie avec le pape et se place sous sa protection en se déclarant son vassal. Avec le pape à ses côté, Jean sans Terre qui a vraiment perdu toutes ces terres, décide de prendre sa revanche sur les français. C’est assez paradoxal comme situation mais faut croire qu’à cette époque on se sent invincible lorsqu’on a le soutien du pape… Mais Jean ne va vraiment que se sentir plus fort. Son armée est battue à La-Roche-aux-Moines près d’Angers, et celles de ses alliés sont littéralement écrasées par le roi de France, Philippe Auguste, lors de la bataille de Bouvines, près de Lille (une des plus importantes bataille de l’histoire de France). Fort de sa victoire, le roi de France se prépare à envahir l’Angleterre pour de bon. Jean est loin d’être sortie de l’embarras…
En Angleterre, c’est le carnage. Il faut dire que Jean est un artiste. Si ! Si ! Il a l’art de se faire haïr… par les français, par le pape… Et chez lui, c’est encore pire. Violents et sans scrupules, Jean II exige de plus en plus d’impôts pour rétribuer les armées de mercenaires. Celui qui n’est pas en mesure de payer se fait pendre haut et court sur le champ. Mais ce n’est pas tout ! Jean a aussi pris l’habitude de vendre en mariage des veuves nobles et de prendre en otage des enfants de la noblesse pour toucher des rançons. En 1215, l’Angleterre est au bord de la guerre civile. Les barons prennent possession de Londres et, ne réussissant pas à renverser le roi, le contraignent à négocier un traité de paix et accepter leurs conditions. C’est à Runnymede, le 15 juin 2015, que la Magna Carta est scellée sous serment par le roi. Les barons se sont chargés de dresser une liste de requêtes qui limitent les pouvoirs du monarque. Désormais, les représentants de la noblesse et du clergé ont un droit de contrôle sur les finances. De façon un peu excessive à mon goût, on peut dire que ce texte est à l’origine de la démocratie parlementaire. Quoi qu’il en soit, la Magna Carta, garantit le droit à la liberté individuelle. Elle limite l’arbitraire royal et empêche les emprisonnements arbitraires.
Tout se serait bien passé si Jean sans Terre s’était tenu à ses engagements… Au lieu de ça, il les trahit tous. Pour ceux qui aiment les légendes, c’est à ce moment-là que Robin des bois, ce hors-la-loi, sans peur, excellent archer qui s'oppose à la tyrannie du roi Jean, serait apparu... Mais ne nous égarons pas, restons dans l’histoire « officielle ». Les barons anglais en ont assez. Ils appellent Philippe Auguste à la rescousse (oui ! le roi français !!). Ils lui offrent même la couronne d’Angleterre ! Mais Philippe Auguste en a bien assez de sa couronne française et envoie Louis de France, futur Louis VIII le Lion, qui entre à Londres sans difficulté. Jean sans Terre s’enfuit et a le bon goût de mourir assez vite. Sa mort « sauve » la couronne d’Angleterre puisque c’est son fils Henry III qui devient roi en 1216. Une nouvelle Magna Carta est signée en 1216. Et encore une autre en 1217 lorsque les français sont expulsés d’Angleterre. Il y aura encore d’autres versions de la Grande Charte (toujours liées de prêt ou de loin à l’histoire de France) mis la principale reste celle de 1215, puisqu’il s’agit de la première.
Cette année, ce texte fête ses 800 ans ! Il est considéré comme le texte fondateur des Etats anglo-saxons en cela qu’il a posé les jalons juridiques et constitutionnels. On y retrouve, entre autres, le droit de propriété, le droit de se déplacer où bon nous semble et le droit d'être jugé équitablement, et même le droit de possession pour certaines femmes (juste pour rappel, on est en 1215...).