Si Thoreau affirmait que « sous un gouvernement qui emprisonne quiconque injustement, la véritable place d’un homme juste est aussi en prison », il ne faut pas oublier que les condamnations ne sont pas toutes politiques et certainement pas toutes injustes non plus.
Construite en 1864 à l’extérieur de la ville grandissante de Toronto, à l’est de la rivière Don, la Don jail a été la quatrième prison à voir le jour dans la ville. Son architecte n’est autre que William Thomas à qui la ville doit également St Lawrence Hall et St. Michael’s cathedral (que je vous ai déjà montrés). Même si certaines cellules mesuraient un mètre sur trois, Old Don Jail a pendant longtemps été la plus grande prison de son genre en Amérique du nord. Elle comprenait aussi une ferme qui était cultivée par les détenus (aujourd’hui, il s’agit essentiellement de Riverdale park, que je vous ai déjà également montré).
A l’origine, la prison accueillait les prisonniers en détention préventive. Il est même arrivé que certaines familles soient « hébergées » dans la prison parce que les femmes et enfants du prisonnier ne pouvaient pas survenir à leurs besoins. Après les périodes de guerre, quelques soldats revenant du front ont sombré dans la dépression et l’alcoolisme. Ils ont été condamnés pour des délits mineurs ce qui leur a permis d’avoir un lit chaud. D’ailleurs, sur certains murs, on peut lire « je suis ravi d’être ici car la rue me tue ».
Pour quelques personnes, Don Jail est remplie de fantôme. Les fantômes des détenus exécutés (trente-quatre pendaisons officielles, environ soixante-dix corps au total… - dont la dernière exécution au Canada en 1962), des meurtriers, des suicidés ; Les fantômes des victimes dont l’héritage est à jamais lié aux détenus. Ajoutez à cela les cellules surpeuplées, les rats, les gangs, les cafards, les trafics de drogue et d’armes, les problèmes d’hygiènes (un seau au milieu de la pièce jusqu’au milieu du 20ème siècle), le manque de personnel, et vous aurez une idée de l’ambiance lugubre de cet endroit. Il est clair qu’on laisse tomber les standards minimums imposés par l’ONU pour le traitement des prisonniers ! Il parait même que certains détenus auraient plaidé coupable pour échapper aux conditions déplorables du centre de détention.
Après près de 150 ans de « service », et autant de critique, la prison la plus populaire de Toronto a définitivement fermé ses portes en 2013. Depuis 1977, il n’y avait déjà plus que l’aile est, construite en 1958 et aujourd’hui démolie, qui servait encore de prison. Tout le reste avait déjà été transformé en bureau administratif pour le centre de soin se trouvant juste à côté.